Le pessimisme, c’est avantageux ;
certes on se prend des réflexions parce qu’on fait la gueule au p’tit déj, mais
au moins on se prémunit contre toutes les déceptions.
Champions
du monde du pessimisme, de la méfiance, de l’antitoutisme, les Français. On
nous le ressasse tous les ans. Les instituts de sondages le répètent à l'infini, jamais las d'enrubanner de doctes arabesques les tombereaux de chiffres dégouttant de leur science molle. C’est qu’au
fond on ne peut plus vraiment répondre qu’on est optimiste, au risque d’être
taxé de naïveté. On ne peut plus répondre qu’on a confiance dans les
institutions, au risque d’être traité de pigeon.
La méfiance est peut-être au fond le sentiment le plus véritablement démocratique. Mais si on ne peut voter sans méfiance, on ne peut gouverner sans confiance. Or par un dressage pavlovien à l’esprit critique, on a appris à émettre des réserves même lorsqu’on ne connaît rien sur un sujet. Certes on est dupe de part en part, mais au moins on fait mine de le savoir. C’est cela, la bêtise critique : c’est lorsqu’on n’est même plus assez naïf pour avoir un point de vue.
La méfiance est peut-être au fond le sentiment le plus véritablement démocratique. Mais si on ne peut voter sans méfiance, on ne peut gouverner sans confiance. Or par un dressage pavlovien à l’esprit critique, on a appris à émettre des réserves même lorsqu’on ne connaît rien sur un sujet. Certes on est dupe de part en part, mais au moins on fait mine de le savoir. C’est cela, la bêtise critique : c’est lorsqu’on n’est même plus assez naïf pour avoir un point de vue.
Non,
réellement, l’optimisme, alors que l’esprit fin de siècle commence à rogner
sérieusement sur le début de siècle, alors que toute la création culturelle
occidentale s’étire péniblement en un long fantasme apocalyptique,
c’est la plus suprême des fautes de goût : c’est se résigner à exister en
marge de la décadence classieuse des esthètes de la sclérose ; en somme, c’est
refuser de vivre avec son temps. Ça ne date pas d’hier, au reste. Flaubert
fournissait déjà cette éclatante définition au 3ème degré dans son
Dictionnaire des idées reçues : « Optimiste :
équivalent d’imbécile ».
Aussi, il
fallait voir les sympas-thisants de gauche douter jusqu’au dernier jour de la
victoire de leur miraculeuse machine à perdre – il est vrai ordinairement infaillible en la
matière. Cette alternance quasiment mécanique qu’on leur offrait sur un plateau depuis
deux ans, alors que tous les gouvernements d'Europe étaient balayés par la crise, ils ne l’espéraient que du bout des lèvres, les pommettes encore tièdes
des claques du passé, trop conscients peut-être du cadeau empoisonné que
représentait l’accession au pouvoir dans un contexte si désastreux. Même après
20 heures, il fallait entendre nos futurs gouvernants, dans leur sens si
délicieusement consommé de l’oxymore, barbouiller leur « joie grave » sur tous les canaux d’information.
Et dès le crépuscule, il fallait sentir s’évanouir dans l’air, dans un colossal
accès de dépression post-partum, le désarroi soulagé des masses embastillées, ébahies
par la mort de la bête immonde, errant en une culbute réflexe de fourmis
décapitées.
Marx disait
que l’Histoire se répète toujours ; une première fois de façon tragique,
une seconde de façon farcesque. Le match Hollande – Sarkozy aura poussé le
mimétisme avec le duel Mitterrand – Giscard jusqu’à l’ampleur du score, à un
dixième près. Sauf qu’on a sorti la machine à calculer, et qu’on a eu tôt fait
de vociférer que Hollande disposait certes d’un petit million de voix d’avance,
mais était le président le plus mal élu de la Ve République en
comptant les votes blancs et nuls. On avait parlé avant l’élection du risque d’une
« bonne défaite » pour Sarkozy. Et peut-être lui-même espérait-il précisément
cette sortie digne, soulignée par son lacrymal discours d’adieu aux hooligans
transis de la Mutualité. Pour l’UMP, il faut sans doute moins parler d’une défaite
que d’une « non-victoire ». Pour le PS, moins d’une victoire que d’une
non-défaite.
Le
8 mai, Sarkozy et Hollande se tenaient épaule contre épaule pour les cérémonies
du Souvenir, sereins, augustes, présidentiels. Comme pour rendre plus artificielles
encore les hargnes, les bravades, les ultimatums de la titanomachie cathodique
qui avaient cours encore une poignée d'heures plus tôt.
Normal.
Les 3 chiffres à la con
1,2 million : c'est l'écart d'audience moyenne qui sépare France 2 de TF1 sur la soirée électorale du second tour (5,8 millions contre 4,6 millions). Quatre jours plus tôt, la chaîne publique avait établi une performance historique : pour le débat de l'entre-deux-tours, retransmis rigoureusement à l'identique sur TF1, elle avait devancé pour la première fois sa concurrente (9 millions contre 8,1 million).
0 : c'est le nombre de sondages de second tour où Sarkozy a été donné vainqueur face à Hollande.
65 % des téléspectateurs réguliers du JT de TF1 ont voté Sarkozy (38 %) ou Le Pen (27 %) au 1er tour. 36 % des spectateurs privilégiant le JT de France 2 avaient voté Hollande, contre 14 % Sarkozy et 12 % Le Pen. (Ifop pour Marianne, 21-23 avril 12).
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