vendredi 25 mai 2012

Hollande l'Américain


Le pays du président normal avait, grâce à sa richesse accumulée, gagné le droit de participer aux raouts de la gouvernance globale…


            Il faudrait être de très mauvaise foi pour nier que Hollande a fait « bonne impression » lors de ses tout premiers déplacements d’envergure – le G8 à Camp David (18-19 mai), le sommet de l’OTAN à Chicago (20-21 mai), le sommet européen à Bruxelles (23 mai).
            Nous n’aurons pas ce courage. D’autres l’ont eu à notre place, soulignant à nouveau l’apparence godiche du président normal, arrivé encravaté dans les bois de Camp David parmi ses nouveaux camarades alors que le dress-code professait une hypocrite « casualness » dans une ambiance de mise au vert pour jeunes cadres sympatoches. On prendra ça pour le bizutage de rigueur – les Medvedev, Harper, Monti et autres Barroso sont connus pour leur caractère volontiers espiègle.

            Sur la forme, c’est pourtant bien Hollande qui a marqué des points pendant ces quelques jours, une dépêche de l’agence Associated Press reprise partout n’hésitant pas à annoncer que le « nouveau leader français accaparait l’attention ». La complicité immédiate entre Obama et Hollande – lourdement mise en évidence par leur échange culturel sur les qualités comparées du cheeseburger transatlantique – a surpris les observateurs, et pas seulement eux. Cameron et Merkel ont été visiblement pris de cours par cette alliance-surprise sur les points essentiels des débats.
Dès le 8 mai pourtant, le New York Times se félicitait paradoxalement du résultat de l’élection française, avançant que les regrets du départ de « Sarko the American » seraient vite balayés par la proximité entre Hollande et Obama sur les questions économiques.

Tant pis pour les antiaméricanistes : Barack Obama a trouvé en Hollande un allié peut-être plus précieux que son prédécesseur, qui devenait avec le temps de plus en plus merkophile et austéromaniaque. Le culte de la rigueur a fait son temps aux États-Unis, où des économistes de renom se sont récemment élevés pour réclamer le soulagement par la relance de l’asphyxie économique. Les mantras pro-croissance de Hollande plaisent au pays du New Deal.
Même s’il porte rarement des t-shirts NYPD, Hollande parle un bien moins mauvais anglais que Sarkozy ; il est également moins impulsif, moins imprévisible dans son rapport de personne à personne. La confidence d’un conseiller du vice-président Joe Biden, témoin de l’arrivée de Hollande à la Maison Blanche, est édifiante :
« L'impression a été surprenante et immédiate, devant ce nouveau président visiblement ouvert et ferme à la fois. Il n'a pas laissé échapper une seule minute. Nous nous attendions à une attitude plus timide étant donné son pouvoir tout neuf et compte tenu de l'attitude de son prédécesseur Sarkozy qui débarquait toujours ici avec armes et bagages, surexcité et brouillant toutes les pistes. Dès lors qu'il a parlé sur l'Afghanistan, nous avons su que la donne était changée et Obama a vite compris où était son intérêt. » 

            La position de Hollande sur l’Afghanistan, bien qu’anecdotique dans le sort de la guerre, est effectivement de nature à servir le président-du-monde-libre ; alors que la présence américaine dans les montagnes afghanes atteint des sommets d’impopularité dans l’opinion publique, Hollande a dit tout haut… ce qu’Obama ne pouvait pas dire seul. Dans la mentalité américaine, c’était une évidence tacite que la France devait quitter la bataille avant les États-Unis afin que ces derniers puissent battre dignement en retraite.
Il ne faut pas oublier que le prix Nobel de la paix va avoir les mains liées tout au long de l’année 2012. Sa réélection en novembre face à Romney est loin d’être jouée d’avance.
Alors qu’il avait réveillé beaucoup de sceptiques en pivotant sa politique étrangère vers l’Asie, Obama a tout intérêt à s’impliquer dans la crise européenne dans les mois qui viennent. D’abord, l’Europe est un continent où il reste populaire. Ensuite, comme le rappelle à bon escient un édito du New York Times, l’Europe « est le groupe de nations qui partagent le plus étroitement les valeurs et les intérêts américains »… même lorsque les investissements y sont menacés. Le sens de la famille, en quelque sorte ! Enfin, les inquiétudes sur la situation grecque et les contagions éventuelles de la crise de l’euro sont bien plus grandes que les leaders du monde ne veulent le laisser deviner.
Obama a besoin, parmi ses alliés, d’un consensueur-en-chef comme Hollande, qui a déjà démontré qu’il était capable de prodiges langagiers tels que la phrase qui avait résumé ses ambitions économiques pendant la campagne présidentielle : « Il faut donner du sens à la rigueur ».
On pressent bien en effet toute la puissance tautologique de ce genre de positionnements : personne ne se déclarera contre la croissance ; personne ne s’opposera au principe du sérieux budgétaire. Personne n’aime la dette, personne n’aime la crise.

Les médias français de gauche, traditionnellement sceptiques sur l’intérêt des sommets internationaux, ont du mal à cacher leur enthousiasme – ou leur soulagement – sur les premiers pas de leur poulain. Le dangereux subversif Bruno Roger-Petit ne montrait aucun scrupule apparent à écrire sur le site du Nouvel Obs’, ce 21 mai :
« La présidence normale est une arme politique de destruction massive. En moins d’une semaine, elle a montré l’étendue de sa puissance, qui est sans pareille. Politiquement, que reste-t-il de la présidence Sarkozy après une semaine de présidence Hollande ? La réponse est simple, claire, évidente et nette : il ne reste rien. »
… C’est qui, d’ailleurs, Sarkozy ?

Miracles dialectiques de l’alternance : ceux qui étaient les premiers à descendre en flammes la politique atlantique et américanophile de Sarkozy s’empressent de faire risette devant les signes de bonne entente obamo-hollandaise.
            Normal.



Dans le sens horaire : Hollande, Obama, Cameron, Medvedev (caché), Merkel,
Von Rompuy, Barroso, Noda, Monti, Harper
Les 3 chiffres à la con

10 : C'est en fait le nombre de participants au G8. Les charismatiques Herman von Rompuy, président du Conseil Européen, et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, siègent aux côtés des chefs d'Etats américain, russe, britannique, japonais, français, allemand, italien et canadien.

66 % des Américains sont désormais opposés à la poursuite de la présence américaine en Afghanistan ; 27 % pensent qu’il faut poursuivre l’effort, selon un sondage AP-GfK (mai 2012). La guerre a déjà coûté la vie à plus de 3000 combattants et membres de l’OTAN (dont près de 1840 Américains).

3 % : c’est le poids des forces françaises – 3400 militaires – dans la coalition internationale présente en Afghanistan. Les Pays-Bas et le Canada ont déjà retiré leurs contingents respectifs, la Pologne se prépare à le faire.




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