mercredi 9 mai 2012

Le heurt du choix


Au pays, on votait dimanche.


            On a voté François Hollande dimanche. On a respiré un grand coup, on a ressorti les gants de ski, les pince-nez, les forceps, les pinces de cheminée, on s’est shooté à la colle, on a pensé très fort à autre chose, et on est allé voter Hollande.
Question tactique, on s’est creusé le bulbe. « Pour que le FN profite de la chute de Sarkozy… » « Pour que les Rouges fassent pression sur les Bleus tout en marginalisant les Bruns… » « Pour recentrer Hollande… » « Pour que Copé gagne en 2017 » « Pour que les gosses aient enfin du tofu à la cantine… », etc.
On a repensé une dernière fois Rolex, Fouquet’s, Carla, Air Sarko One, valises, Karachi, Kadhafi, Woerth, Bettencourt, Takieddine, Balargone, Castoipauvcon, stylos volés, cigares, jets privés, Françafrique, bouclier fiscal, discours de Dakar, discours de Grenoble, budget de l’Élysée, censures, pressions, intox, peines plancher, auto-augmentation, EPAD, Traité de Lisbonne, Arnault, Bouygues, Dassault, Minc, Pinault.
On s’est repassé mentalement, une dernière fois, l’improbable trombinoscope. Les verdâtres Hortefeux, Guéant, Besson. Les insignifiants Fillon, Mercier, Bertrand. Les frétillants demi-mondains Dati, Kouchner, Mitterrand. Les prodigieux Douillet, Morano, Lefebvre, Bachelot. Les décevants MAM, Borloo, Yade.
C’est pourtant pas qu’il nous plaisait, l’ancien gros-tout-mou. C’est pourtant pas qu’elle nous faisait saliver, la mafia PS. On savait que, depuis la SFIO, la gauche ne se définit plus que par le fait qu’elle n’est pas la droite. On savait que Hollande était le remplaçant, le supplétif, l’ersatz, le par-défaut, le par-hasard, le par-dépit.
            Dans l’isoloir, on les a regardés une dernière fois, les papiers. On s’est dit que c’était pas un choix. On a opté pour la peste rose.
On est rentré prendre une douche, puis deux, on s’est fait un bain de bouche, on a pensé à s’immoler par le feu – on s’est dit que ça ne valait vraiment pas le coup.
On a regardé d’un œil I-Télé tenir une heure de direct sur un chiffre de participation. À 19 h 58, on s’est tous calés sur France 2. Le temps du compte à rebours, on a joué à se faire des faux frissons pour épicer un triomphe au goût persistant d’endive.
On a goûté à la joie ébahie d’être – enfin – dans le camp des vainqueurs ; on s’est repu de la consolation lâche et démocratique d’être du même avis que la majorité des gens.


            On a voté Nicolas Sarkozy dimanche. On a ressorti les pinces à barbecue, à linge, à épiler, les tenailles, les moufles, les gants Mapa, on s’est avalé une bouteille de désinfectant, on s’est bandé les yeux, et on est allé voter Sarko.
On a fait mentalement sa petite bouillie de calculs sordides. « Pour faire barrage au Front national à droite » « Pour ne pas que la gauche trinque en période de crise » « Pour garder mon poste d’humoriste à France Inter », etc.
            Et pourtant il nous a déçu, l’énervé de service. Il nous a fait honte, le survitaminé, le marathon man, l’homme-sandwich de Red Bull. Il a trahi, il a sali, il a souillé, il a abaissé, il a dégradé. Il a endolori les espoirs placés en lui. Son hyperprésidence n’a pu cacher qu’il n'était qu'un hypoprésident. Présent partout, puissant nulle part. Les médias qu’il était censé maintenir sous l’étouffoir le lynchaient soudain ; les banques qu’il était censé mettre au pas le tenaient plus que jamais en laisse. Ses tutoiements, ses insultes... sa mauvaise éducation si éclatante.
            Mais une image dominait tout. Une image surpassait tout le reste : celle de Guimauve le conquérant, agitant ses petits bras en l’air, obligé de se casser la voix pour se donner du charisme, le notable de IVe République à la bouille bonhomme, si génétiquement provincial qu’il donnait l’impression d’animer une foire à la saucisse jusque dans ses plus pharaoniques meetings. Hollande à l’ONU. Hollande chef des armées. Hollande avec la valise nucléaire.
            On a repensé une dernière fois aux légions désordonnées de la deuxième gauche syndicaliste, bêlant en boucle le seul alexandrin qu’elles aient jamais appris par cœur* dans les belles avenues parisiennes jonchées de tracts en faveur de l’espéranto ou de l’indépendance savoyarde. On a repensé aux concerts militants contre le racisme, la violence et la mort des chatons. On s’est dit que Harlem Désir allait devenir ministre. On s’est souvenu des malfaisants en chef Fabius, Aubry, Royal, Lang, Delanoë ; Yannick Noah, avec ses pieds nus et ses poches pleines.
Dans l’isoloir, on les a regardés une dernière fois, les papiers. On s’est dit que c’était pas un choix. On a opté pour le choléra bleu.
On est rentré, on s’est savonné les mains jusqu’au sang, on a pleuré un peu, on a pensé ressortir le cilice et la discipline ; on s’est dit que ça ne valait vraiment pas le coup. Du coup, on a écouté BFM TV nous détailler dans le menu celui des candidats pour le déjeuner. À 19 h 58, toute la petite famille s’est entassée devant TF1 pour y croire encore deux minutes – ça autorise tout, un compte à rebours.
On a goûté au soulagement mauvais d’être – enfin – dans l’opposition : désormais, ce qui se passerait ne serait plus de notre responsabilité.


            On a voté blanc dimanche. Le blanc était devenu, exceptionnellement de 8 à 18 heures, la couleur la moins salissante. Bien sûr on s’est senti un peu lâche. On s’est même senti un peu coupable – voter blanc, c’était voter comme Marine. On a fait confiance aux Français. On s’est posé la question : « comment on fait pour voter blanc d’ailleurs ? ». On s’est demandé s’il fallait soi-même découper un papier blanc à la maison. On s’est demandé s’il fallait mettre les deux bulletins dans l’enveloppe. Ou n’y rien mettre. On s’est demandé si on n’allait pas bâcler dessus un organe génital ou voter Donald Duck, Chuck Norris, Ghargoûl la créature des abysses – ces messieurs du dépouillement ont si peu l’occasion de rire.
            Dans l’isoloir, on les a regardés une dernière fois, les papiers. On s’est dit que c’était pas un choix. On n’a pas opté du tout.
            On a vu qu’on était 2 millions à ne pas choisir. On s’est sentis un peu rasséréné dans son choix de non-choix. On s’est dit aussi que plus le vote blanc était massif, plus l’espoir qu’il soit reconnu un jour était risible.


            On s’est abstenu dimanche. On a ressorti son bonnet blanc et son blanc bonnet. On s’est levé comme d’habitude. Comme d’habitude, on est tombé par erreur sur l’émission protestante, sur la 2. On s’est biodégradé devant Automoto et Téléfoot mollement, sans joie. Le PSG allait-il revenir en tête du championnat ? On a avalé un rôti plein de sauce et de la tarte aux pommes, on a zappé rapidement sur le sourire fossile de Drucker. Le dimanche s’est avachi dans son interminable grisaille. On a même pensé à aller à la pêche, pour faire bonne mesure jusqu’au bout. Vers 16 h 30 on est allé traîner sur Twitter. C’était déjà plié.

Normal.


* "Ré-gu-la-ri-sa-tion, de-tous-les-sans-pa-piers !" Vous pouvez recompter, vous m'aurez pas.




Les 3 chiffres à la con

55 % des électeurs de François Hollande ont voté pour qu'il soit président, 45% pour faire barrage à Sarkozy (Harris interactive, 6 mai 12)

54 % des électeurs de Sarkozy ont voté pour qu'il soit président, 46% pour faire barrage à Hollande (Ipsos, 6 mai 12)

2 154 956 : c’est le nombre (record) de votes blancs et nuls lors du second tour. 1 139 983 : c’est le nombre de voix qui séparent les deux concurrents.







1 commentaire:

  1. Ce texte est minable, en plus d'etre politiquement orienté. je vous conseille d'etre prudent Timo Vilars, quand vous marcherez dans la rue.La Gauche a vaincu pour l'éternité et écrasera tous les petits cons de Droite dont tu fais partie. VIVA EL PRSIDENTE HOLLANDE! VIVA LA REVOLUCION!

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